” Maintenant qu’il était en sécurité, maintenant que les membres de notre famille ne couraient plus le risque d’être assassinés, emprisonnés ou déportés, il redoutait d’oublier comment c’était de se réveiller le matin inquiet de la journée à venir. 

Si j’oublie leurs noms, j’oublierai qu’ils sont vivants, affirmait-il. Ils ne seront plus des gens, ils deviendront des nombres. Leurs espoirs, leurs craintes ne compterons plus. Nous ne nous souviendrons que des règles, pas ceux auxquels on les impose. Nous ne penserons qu’aux ordres et non à leur raison d’être.

Extrait de  « Enfin libre – grandir quand tout s’écroule » de Léa Ypi (Editions du Seuil)

Que reste t-il après l’enfermement ? Après avoir été séquestré ? Épié ? Contrôlé ? Est-ce cela la résilience ? Cet élan, cette soif de vivre, ce besoin irrépressible de découvrir et de profiter de chaque instant de notre existence ? 

« Enfin, libre» met en parallèle cette question du renouveau. Comment se restaurer après l’infâme, après le trop, après l’excès ? Quelles sont nos aspirations ? A quoi ressemble nos rêves ? Et nos envies du quotidien ? Comment déconstruire le connu pour se créer un nouveau soi ? Comment passe t-on du vide au plein, ou du moins du rien au possible ?

Légères les ailes qui se déploient. Enfin, libre – Albanie, 2023